Chapitres
- 01. Le texte
- 02. Le commentaire
Le texte
Cette pièce est dans tout son lustre au moment où, vers sept heures du matin, le chat de madame Vauquer précède sa maîtresse, saute sur les buffets, y flaire le lait que contiennent plusieurs jattes couvertes d’assiettes, et fait entendre son rourou matinal. Bientôt la veuve se montre, attifée de son bonnet de tulle sous lequel pend un tour de faux cheveux mal mis; elle marche en traînassant ses pantoufles grimacées. Sa face vieillotte, grassouillette, du milieu de laquelle sort un nez à bec de perroquet; ses petites mains potelées, sa personne dodue comme un rat d’église, son corsage trop plein et qui flotte, sont en harmonie avec cette salle où suinte le malheur, où s’est blottie la spéculation et dont madame Vauquer respire l’air chaudement fétide sans en être écœurée. Sa figure fraîche comme une première gelée d’automne, ses yeux ridés, dont l’expression passe du sourire prescrit aux danseuses à l’amer renfrognement de l’escompteur, enfin toute sa personne explique la pension, comme la pension implique sa personne. Le bagne ne va pas sans l’argousin, vous n’imagineriez pas l’un sans l’autre. L’embonpoint blafard de cette petite femme est le produit de cette vie, comme le typhus est la conséquence des exhalaisons d’un hôpital. Son jupon de laine tricotée, qui dépasse sa première jupe faite avec une vieille robe, et dont la ouate s’échappe par les fentes de l’étoffe lézardée, résume le salon, la salle à manger, le jardinet, annonce la cuisine et fait pressentir les pensionnaires. Quand elle est là, ce spectacle est complet. Âgée d’environ cinquante ans, madame Vauquer ressemble à toutes les femmes qui ont eu des malheurs. Elle a l’œil vitreux, l’air innocent d’une entremetteuse qui va se gendarmer pour se faire payer plus cher, mais d’ailleurs prête à tout pour adoucir son sort, à livrer Georges ou Pichegru, si Georges ou Pichegru étaient encore à livrer. Néanmoins, elle est bonne femme au fond, disent les pensionnaires, qui la croient sans fortune en l’entendant geindre et tousser comme eux. Qu’avait été monsieur Vauquer? Elle ne s’expliquait jamais sur le défunt. Comment avait-il perdu sa fortune? Dans les malheurs, répondait-elle. Il s’était mal conduit envers elle, ne lui avait laissé que les yeux pour pleurer, cette maison pour vivre, et le droit de ne compatir à aucune infortune, parce que, disait-elle, elle avait souffert tout ce qu’il est possible de souffrir.
Le commentaire
Introduction
Cet extrait se situe au début du roman de Balzac, Le Père Goriot, publié en 1835.
- C’est une description de la pension où loge le père Goriot, mais aussi des autres locataires, ainsi que de la gérante, Madame Vauquer.
- Nous sommes en 1819, rue Neuve-Sainte-Genevière à Paris, un quartier populaire.
- Comme dans tout le reste de La Comédie Humaine, Balzac dresse le tableau de ce peuple et de ses aspirations.
- Ici, le décor vient nous renseigner sur le personnage.
Problématique
Comment la peinture de la pension nous renseigne sur le personnage de Mme Vauquer et des autres protagonistes du roman ?
Plan
1ère partie → le personnage de Madame Vauquer
2ème partie → une maison symbolique
-
Le personnage de Mme Vauquer
- Une description physique
- Nous sommes dans le Réalisme : la description est développée et précise.
- elle est lourde, disgracieuse, débraillée : « elle marche en traînassant ses pantoufles grimacées », « mains potelées », « corsage trop plein », « grassouillette » ;
- Charge caricaturale
- Elle est comparée à des animaux : « nez à bec de perroquet », « rat d’église ».
- Le portrait est donc négatif.
- Une description morale
- Lien entre le physique et le caractère du personnage.
- Ce lien, développé par Balzac, s’appelle la physiognomonie.
- Son caractère moral tout est aussi négatif que son physique, comme on l’apprend surtout à travers les propos rapportés au style indirect des autres personnages.
- Hypocrisie, avarice : « Les pensionnaires qui la croient sans fortune » (ce qui signifie qu’elle a de l’argent).
- Les autres personnages
- Présentation des autres personnages
- Qu’on retrouve dans les autres romans de La Comédie humain
- Référence à Cadoudal et à Pichegru : « à livrer Georges ou Pichegru »
- La pension accueille donc des anciens prisonniers, des criminels…
- Balzac dresse le décor où se déroulera la tragédie du père Goriot.
[transition]
- Une description physique
-
Une maison symbolique
- La physiognomie
- Le lieu est lié à la personne comme la personne au lieu.
- les exemples sont nombreux dans le texte : « toute sa personne explique la pension, comme la pension implique sa personne », « sa face (…), ses mains (…), sa personne dodue (…) sont en harmonie avec cette salle ».
- Le corps physique et le lieu où vit l’individu ne font qu’un.
- La similitude entre la pension et sa gérante
- Il y a une correspondance entre le personnage et le milieu naturel.
- C’est les mêmes champs sémantiques : « l’étoffe lézardée » renvoie à la ruine ; « cette salle où suinte le malheur », « où s’est blotti la spéculation » compilent termes concrets et termes abstraits.
- Il y a un lien profond entre les choses
- C’est ce que veut dire Balzac.
- Les références de Balzac
- Il faut rappeler les références de Balzac, qui sont des références modernes.
- Darwin (1809-1882) qui a étudié les influences du milieu sur les espèces.
- Geoffroy de Saint-Hilaire (1772-1844) qui inspire directement le programme de La Comédie humaine : « la société ne fait-elle pas de l’homme suivant les milieux où son action se déploie autant d’hommes différents qu’il y a de variétés en zoologie ».
- Balzac s’appuie sur des références scientifiques.
- La physiognomie
Conclusion
- Nous avons une présentation du lieu de l’intrigue et des principaux personnages.
- Nous avons une critique acerbe de la société.
- Toute la pensée de Balzac est concentrée dans ce texte.
- C’est le réalisme.
- Dont se souviendra Zola quand il définira le Naturalisme par rapport au scientifique Claude Bernard.
- Nous sommes dans le siècle du Positivisme.
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