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C'est parti

Le poème

Fantaisie

Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber,
Un air très vieux, languissant et funèbre,
Qui pour moi seul a des charmes secrets.

Or, chaque fois que je viens à l’entendre,
De deux cents ans mon âme rajeunit :
C’est sous Louis treize ; et je crois voir s’étendre
Un coteau vert, que le couchant jaunit,

Puis un château de brique à coins de pierre,
Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,
Ceint de grands parcs, avec une rivière
Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs ;

Puis une dame, à sa haute fenêtre,
Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens,
Que, dans une autre existence peut-être,
J’ai déjà vue… – et dont je me souviens !

Odelettes, Gérard de Nerval

Qui est Gérard de Nerval ?
Gérard de Nerval (1808-1855)

Méthode du commentaire composé en poésie

Avant la lecture

Il faut étudier le paratexte, c'est-à-dire le titre, l'auteur, la date, etc. Ces informations doivent être recoupées avec vos connaissances émanant du cours (courant littéraire, poète, recueil, etc.).

Le titre engage également à des attentes. Il donne des indices sur la nature du poème que le lecteur s'apprête à lire.

En poésie, la forme est décisive : regarder le texte « de loin » permet d'avoir déjà une idée de la démarche du poète :

  • Vers, strophes ?
  • Si vers : vers réguliers, vers libres ?
  • Si vers réguliers : quel type de rimes ?
  • Le nombre de strophes...

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Pour la lecture

Nous vous conseillons de lire le poème plusieurs fois, avec un stylo à la main qui vous permettra de noter ou souligner une découverte, une idée.

1ère lecture :

  • Identifier le thème général du poème,
  • Identifier le registre : comique ? pathétique ? lyrique ? etc.,
  • Identifier les procédés d'écriture pour diffuser le sentiment du registre choisi : l'exclamation ? La diérèse ? etc.

2ème lecture :

  • Dégager le champ lexical,
  • Place des mots : un mot au début du vers n'a pas la même valeur qu'un mot placé en fin de vers,
  • Déceler les figures de style (généralement très nombreuses dans un poème),
  • Travail sur les rimes : lien entre des mots qui riment, rimes riches ou faibles, etc.,
  • Analyse du rythme avec les règles de métriques.

En filigrane, vous devez garder cette question en tête pour l'analyse des procédés d'écriture : comment le poète diffuse-t-il son thème général et comment fait-il ressentir au lecteur ses émotions ?

Rédaction du commentaire

Partie du commentaireViséeInformations indispensablesÉcueils à éviter
Introduction- Présenter et situer le poète dans l'histoire de la littérature
- Présenter et situer le poème dans le recueil
- Présenter le projet de lecture (= annonce de la problématique)
- Présenter le plan (généralement, deux axes)
- Renseignements brefs sur l'auteur
- Localisation poème dans le recueil (début ? Milieu ? Fin ? Quelle partie du recueil ?)
- Problématique (En quoi… ? Dans quelle mesure… ?)
- Les axes de réflexions
- Ne pas problématiser
- Utiliser des formules trop lourdes pour la présentation de l'auteur
Développement- Expliquer le poème le plus exhaustivement possible
- Argumenter pour justifier ses interprétations (le commentaire composé est un texte argumentatif)
- Etude de la forme (champs lexicaux, figures de styles, rimes, métrique, etc.)
- Etude du fond (ne jamais perdre de vue le fond)
- Les transitions entre chaque idée/partie
- Construire le plan sur l'opposition fond/forme : chacune des parties doit contenir des deux
- Suivre le déroulement du poème, raconter l'histoire, paraphraser
- Ne pas commenter les citations utilisées
Conclusion- Dresser le bilan
- Exprimer clairement ses conclusions
- Elargir ses réflexions par une ouverture (lien avec un autre poème, un autre poète ? etc.)
- Les conclusions de l'argumentation- Répéter simplement ce qui a précédé

Ici, nous détaillerons par l'italique les différents moments du développement, mais ils ne sont normalement pas à signaler. De même, il ne doit pas figurer de tableaux dans votre commentaire composé. Les listes à puces sont également à éviter, tout spécialement pour l'annonce du plan.

En outre, votre commentaire ne doit pas être aussi long que celui ici, qui a pour objectif d'être exhaustif. Vous n'aurez jamais le temps d'écrire autant !

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Commentaire composé

Introduction

Gérard de Nerval est un poète français du XIXème siècle. C'est une figure majeure du courant romantique, connu essentiellement pour ses poèmes et ses nouvelles, avec notamment Les Filles du feu (1854), qui contient le court récit Sylvie, et son recueil de sonnets Les Chimères (1854).

Nous étudions ici le poème « Fantaisie », partie prenante du recueil Odelettes rythmiques et lyriques, publié en 1852. Le sujet est une référence à une vieille chanson populaire chantée par une femme, La fille au Roi Louis qu'il tente de retranscrire poétiquement. Il y met des souvenirs du Valois, sa terre d'enfance, et y fait figurer la figure féminine, toujours à la source de son inspiration.

Annonce de la problématique

De fait, dans quelle mesure Nerval estime-t-il la musique être la porte d'entrée vers l'éternité ?

Annonce du plan

D’abord, il nous faudra voir comment Gérard de Nerval fait de son poème une musique, qui vise à pallier son manque de connaissance musicale par l’érection d’une partition personnelle. Nous analyserons dans un second temps quel monde se crée à la faveur de la rencontre entre écoute et écriture. Dans un dernier temps, nous verrons comment ce monde porte le poète vers l'espoir de l'éternité.

Développement

Une fantaisie poétique

Une inspiration musicale

Le titre du poème, « Fantaisie », nous guide d’emblée vers une direction d’analyse. Le XIXème a en effet vu éclore un genre musical particulier, la « fantaisie », qui correspond à une « pièce instrumentale de forme assez libre et proche de l’improvisation, mais non sans rapports avec des formes plus strictes déjà en usage » (définition Universalis).

Ce qui constitue ce genre musical est donc un mélange de liberté et de rigueur ; le poème de Nerval correspond ainsi tout à fait à une transposition poétique du genre. Il y fait en effet vivre le classique tout en revendiquant l’élan libéral.

Le titre du recueil, qui renferme le poème « Fantaisie », n’est pas anodin non plus et participe de cette même veine musicale. Odelettes rythmiques et lyriques affirme, déjà, sa conception d’une poésie fondamentalement musicienne.

Ainsi, le poème doit s'émanciper de règles trop rigides, trop classiques, qui ne rendraient pas hommage à la musique présente d'emblée dans les mots.

Aussi, afin de défendre son propos, il s’aide autant de son sujet que de sa forme : la « Fantaisie », qui annonce d’emblée ses volontés d’émancipation, est l’occasion d’un hommage à l’une de ces chansons populaires qu’il estime plus que tout.

Cet « air » (vers 1) est ainsi celui de La fille au Roi Louis, qui date de l’époque de Louis XIII, et qui est un chant appartenant à la tradition orale et régionale. Il y a quelque chose d’apparemment antinomique (antinomie = opposition, contradiction)  dans son lexique : le terme « air », répété deux fois dans le premier quatrain, est en temps normal une chanson indéfinie, anonyme : en le consacrant par le poème, il lui donne cependant la renommée égale à celles des opéras qu’il cite par métonymieTout Rossini, tout Mozart et tout Weber » au vers 2).

Nerval pose déjà son intention, tout à fait personnelle et intime, comme le souligne la formule mise en valeur « pour moi seul » : rendre ses lettres de noblesse à ce qui est dévalorisée par la culture classique et élitiste.

Par le retour au chant traditionnel comme sujet, il affirme la capacité de celui-ci égale à toutes les autres entreprises de ses contemporains. Autrement dit, l’élan vers le passé - volontaire, comme choix du poète, et subit, comme auditeur du chant -  est éclosion de beauté.

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Une forme à la fois classique et moderne

La forme porte cette même revendication émancipatrice. Sans trop vouloir la séparer du fond, il convient néanmoins de l’analyser succinctement ici pour voir comment, d’un seul coup d’œil, le poète perturbe son lecteur.

D’abord, tandis qu’il commence par deux quatrains, il n’est pourtant pas classifiable comme sonnet, puisque ces deux derniers sont suivis de deux autres quatrains et le tout ne correspond ainsi pas à la définition.

De même, au niveau des vers, Nerval commence par des rimes enjambées (/[e]/[R]/[R]/[e]) pour composer ensuite, sur les trois derniers quatrains, des rimes embrassées. Certes, cela correspond aux deux temps du poème, puisque la première stance (= groupe de vers formant un sens complet) pose le point de départ musical du voyage onirique (= relatif au rêve) qui va suivre, et qui tient en une phrase sur trois quatrains ; mais il s’agit, toujours, d’une anormalité classique, qui vise à signifier au lecteur la volonté fantaisiste de l’auteur et, également, à prouver une chose : la règle ne fait pas la beauté. Ce qui lui importe est avant tout la musique, qui se trouve en toute chose, pourvu qu’on la chante.

Que raconte le poème Fantaisie ?
Gustav Klimt, La Musique, 1895

Les différents rythmes des vers participent également de ces lâcher-prises, car certains décasyllabes ne respectent pas la césure classique au quatrième pied. Ainsi du vers 2, qui est un rythme ternaire déroutant, nouvelle référence musicale qui fait écho à la valse ; ou des vers 5 et 15, coupés après le premier pied.

A partir de cette vieille chanson populaire qu’est La fille au Roi Louis, qu’il élève à la hauteur des opéras modernes, il crée sa propre partition musicale, pour réinventer l’art poétique.

L’enjeu, pour Nerval, est ainsi temporel, aussi bien au niveau littéraire qu'au niveau intime. Intime, car c’est la première force de la musique : l’évocation d’un monde unifié de ses correspondances ; l’ouïe comme la pièce d’entrée du château des sens.

La musique comme expérience de la synesthésie  

La synesthésie est un phénomène neurologique durant lequel deux sens ou plusieurs sont associés. Ainsi, certaines personnes entendent des notes et perçoivent, en même temps, des couleurs : le « la » peut-être bleu, et le « si », rouge !

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Un lexique de tous les sens

Nerval est lui-même partisan d’une certaine théorie des correspondances, où l’invisible communique avec le visible, semble de fait ressentir - bien plus que considérer - la musique, par les sons qu’elle émet, comme l’instigatrice d’une perception totalisante, où coexistent et se répondent tous les sens. « Fantaisie » est ainsi la naissance d’un monde de correspondances qui débute par la musique.

Le premier quatrain - porte d’entrée du poème - fonde bien cet environnement d’abord exclusivement sonore. Le point de départ, c’est cet « air », non identifié, et ces compositeurs d’opéras : Rossini, Mozart et Weber. L'opéra, c'est l'art total : comme le poète qui veut parvenir à fonder un monde d’interactions, sans brèche, sans trou.

C’est là également le sens de l’anaphore du vers 2 sur la base du « tout ». Et si l’on reprend le terme d’« air », on y trouve, au-delà du simple sens auditif, le sens aérien, céleste, voire, même, vital : c’est l’air qui entoure le poète, l’air qu’il respire, et non pas seulement celui qu’il entend. Il peut vivre à l’intérieur de cette ambiance sonore, comme le signifie cette formation en stance : le monde y est enclos, suffisant, autonome.

« Or » - conjonction qui formalise le renversement -, il peut y vivre car l’écoute de cet « air » engage avec lui tout un monde ; à dire vrai, il engage le monde entier, puisque tous les sens, dans ces trois prochains quatrains, sont présents - c’est-à-dire que la vie entière est là.

  • l'ouïe : « entendre » (vers 5)
  • la vue : « voir », « s’étendre » (vers 7) ; « yeux » (vers 14) ; « vue » (vers 16)
  • le toucher : « s’étendre » (vers 7), « baignant » (vers 12)
  • l’odorat : « fleurs » (vers 12)

Mais la présence du monde sensible, loin de se limiter au choix des mots, vient également du style.

La sensation auditive est ainsi suggérée au lecteur par l’allitération en /v/, mélodieuse s’il en est, et qui rappelle l’écoulement de la « rivière » du vers 12, tout comme le fait l’enjambement entre ce vers et le suivant : « ...avec une rivière/baignant ses pieds… ».

Un autre enjambement assume la mise en valeur d’une sensation visible, entre les vers 7 et 8, avec le « coteau » qui s’étend.

La ponctuation, en isolant, sert aussi, tantôt, l’intensité de la vision (ainsi des vers 8 avec le « couchant » qui « jaunit » et du vers 14, avec les « habits anciens »), tantôt celle de l’ouïe, avec le vers 12 et la rivière « qui coule entre des fleurs » - et nous pouvons noter que cette formule revêt également un sens visible, puisque les fleurs, ici, fondent le paysage et la perspective.

Il faut également souligner l’apport des couleurs dans ce système, qui intensifie un peu plus la participation visuelle au monde du poète :

  • le « coteau » est « vert » au vers 8
  • le couchant le « jaunit », les « vitraux » - matériau qui vise lui-même à jouer sur la coloration en tamisant et qui rappelle en cela, aussi, la douceur de la musique - et les « rougeâtres couleurs » du vers 10
  • cette dame du vers 14 qui retire son identité de ses teintes, parce que décrite comme « blonde aux yeux noirs »
  • le motif de la « brique » au vers 9, qui évoque directement le coucher du soleil et l’idée du feu

Nerval pourrait ainsi aisément reprendre à son compte la formule baudelairienne de « Correspondances » :

« les parfums, les couleurs et les sons se répondent »

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Un univers physique

Dans ce poème, à partir de ce fameux « or », tout se passe comme si Nerval déambulait physiquement et n’était pas le simple agent passif d’un ressenti. Cela est caractéristique de l’imaginaire nervalien, où visible et invisible existent autant l’un que l’autre et, en ceci, accueillent les mêmes possibilités physiques.

C’est ainsi que nous lisons la formule du vers 6 « je viens à l’entendre », qui contient toute la dynamique du mouvement. Utiliser le verbe venir n’est pas anodin, puisque le terme renferme l’idée d’une démarche, et plus encore, l’idée d’une motivation : on va à quelque chose - où le mouvement lui-même est intensifié par la préposition à.

Le poète « vien[t] à entendre [l’air] » mais surtout, vient au monde qu’il s’apprête à nous dévoiler - puisque ce vers initie la seconde partie du poème. La formule, par ailleurs, que nous soulignons, porte en elle-même toute sa puissance : le poète vient au monde à la faveur de l'écoute.

Le verbe « s’étendre » du vers 7 ou l’adjectif « grands » (au pluriel !) invitent de la même manière à une exploration physique de l’environnement, en provoquant l’avidité du marcheur qui se situe en haut de la montagne. Pareillement, le « coteau » est de ce genre de paysage pentu, qui entraîne vers le bas, qui attire fatalement telle la pierre qui roule.

L’idée d’étendue, de présence physique au monde, est encore accentuée par l’anaphore du « puis » qui débute chacun des deux derniers quatrains, comme la vue qui toujours s’en va au plus loin, d’horizon en horizon. L’effet est encore celui de l'envie d'explorer, comme s’il y avait une infinité d’espaces à découvrir.

Du reste, cette étendue n’est pas seulement horizontale, mais également verticale. Il faut rappeler l’attirance de Nerval pour les hauteurs, qui s’amalgame avec le monde céleste, celui de l’âme - terme qu’il utilise par ailleurs au vers 6.

Ainsi, deux termes au moins font directement écho à la verticalité du monde, entre appel vers les hauteurs et rappel vers le sol : cette « âme » du vers 6 qui s’oppose aux « pieds » du vers 12. Mais, surtout, il y a cette « haute fenêtre » (vers 13) qui lui fait lever la tête pour apercevoir la « dame », et qui fait directement écho à La fille au Roi Louis :

Ma fille, il faut changer d'amour,

Ou vous entrerez dans la tour.

J'aime mieux rester dans la tour,

Mon père que de changer d'amour.

Avant que changer mes amours,

J'aime mieux mourir dans la tour.

Pour Nerval, la femme est bien la promesse de l’Amour, cet antonyme (= contraire) de la Mort et sentiment idéal par excellence. Par ce sentiment, qu’elle provoque en lui, elle est la promesse d’autre chose, loin du monde terrestre, promesse d’un univers pur et sensé.

Qui est le dieu de l'Amour ?
Venus und Amor, Sebastiano Ricci, 1700

La musique, de fait, fait accéder le poète à un monde intérieur qui est la promesse d’un ailleurs pareil à l’Âge d’or originel si cher aux romantiques.

L'imaginaire de la mémoire, un espoir d'immortalité

La présence du temps

Les Romantiques sont ceux que le réel déçoit ; de là, découle la recherche de ce prétendu Âge d’or. Nous retrouvons très largement cette attirance vers le passé - voire sa glorification - dans « Fantaisie ».

Dès le vers 3, nous lisons l’adjectif « vieux » qui vient qualifier le chant de référence ; mais avec lui, ce chant emmène tout un imaginaire, toute une atmosphère - de fait, tout un « air », celui du « vieux ».

Justement, cet air - que l’on pourrait aisément, dans le cas présent, transposer en son homonyme « ère » -, c’est celui de « Louis treize », auquel Nerval fait explicitement référence dès le vers 7. Le changement de temporalité, nous le remarquons, est souligné par l’hémistiche de ce vers, qui intervient après la référence au Roi Louis.

Nous relevons également deux rimes qui sont relatives au temps dans le troisième quatrain : /ère/, qui fait évidemment penser à l’ère temporelle, ainsi que la rime en /eur/ qui, elle, se réfère aux heures du temps.

Cependant, le « moi seul » du vers 4 établit un rapport personnel à ce temps : c’est que Nerval parle ici - au moins pour une part - de ses souvenirs, comme le suggère la référence au « château de brique à coins de pierre » du vers 9, motif très fréquent dans la littérature nervalienne, et qui renvoie au Valois.

La temporalité de Nerval est celle de l’ambiguïté, entre certitude et croyance ; c’est-à-dire, entre présence et souvenir, comme le manifeste l’antinomie apparente de deux formules qui se font écho : « je crois voir » au vers 7 et « dont je me souviens ! » au vers 16. C’est que le poète, dans sa création qui prend sa source au plus profond de son « âme », cherche à tout faire coexister ensemble et notamment le présent et le passé, tout particulièrement au travers de la figure féminine.

La présence de la femme

ll faut se souvenir que Nerval a perdu sa mère à deux ans et que son absence fonde son univers littéraire et imaginaire.

Ainsi, cette « blonde aux yeux noirs », c’est autant la femme aimée - comme La fille du Roi Louis - que la femme aimante - c’est-à-dire, sa mère. Et on retrouve, dans ce motif qui fait se confondre les deux images, la volonté de faire coexister - la coexistence participant assurément du même mouvement que la correspondance, toutes deux ayant le potentiel d'unifier.

Cette femme, de fait est tout à la fois :

  • dans le genre de l'amour courtois, la femme courtisée contemplée de son balcon par le courtisan
  • la princesse de conte de fées enfermée dans sa tour
  • l'héroïne de tragédie comme la Juliette de Shakespeare dans Roméo et Juliette
  • les « habits anciens » du vers 14, conjugués aux « vitraux » du château, font penser à la sainte autant qu’à la fée
  • la mère, puisque ce chant de femme peut également faire penser à une berceuse lorsque l’on évoque le chant d’une femme

Ainsi, de cet air « funèbre », c’est-à-dire de cet air qui évoque la mort, naît tout un monde au travers du poème et de ces trois quatrains, vivifiés, vivifiant au possible, par l’appel des sens dont nous avons déjà parlé.

Différentes existences en une

Mais, en point d’orgue de cette superposition des temporalités, c’est bien la formule de l'avant-dernier vers qui retient notre attention :

« dans une autre existence peut-être »

Par cette formule indécise, le poète ne se prononce pas. Il reste dans l’hésitation de son vécu, sans pouvoir savoir si ce à quoi il assiste a fait partie de sa vie ou bien appartient à une mémoire commune, immémoriale.

Mais, sans pouvoir dire sa source, une chose est pourtant certaine, une seule chose dont la certitude est soulignée par sa place dans le poème et par le point d’exclamation qui le clôt : c’est qu’il se « souvient » (vers 16, le dernier).

Alors ce souvenir devient la preuve de la métempsycose (= migration des âmes mortes d'un corps vers un autre) ; c’est la preuve d’une vie intérieure qui fait accéder à la vie d'avant, et avec elle la preuve d’une possibilité de retour à l’origine, avec pour voie d’accès privilégiée, la musique.

Qu'est-ce que l'âge d'Or des romantiques ?
Lucas Cranach l'Ancien, L'Age d'Or, 1530

Il y a donc une promesse d’éternité dans la généalogie humaine et, de fait, dans cette éternité comme dans l’imaginaire, toutes les époques coexistent. C’est le sens de la formule qui commence « Fantaisie », jouant avec le code littéraire du conte de fées et son « Il était une fois » ; ici, c’est un « Il est… », intemporel, ou plutôt présent éternel, et en même temps, promesse d’un passé toujours vécu, toujours renaissant, à la faveur, justement, de la musique.

Il faut également souligner toute ce qu’apporte de merveilleux une telle formule : le rêve et la réalité, le souvenir et l’imagination sont confondus, parce qu’ils fonctionnent tous de concert.

La puissance de la formule « chaque fois » du vers 5 revêt elle-même cette dimension éternelle : y est contenue toute l’éternité du mouvement, qui ne rate jamais ; c’est la promesse d’une répétition à l’infini, d’un voyage toujours recommencé, de la possibilité de l’ailleurs, pour toujours.

De fait, c’est bien la musique qui, pour Nerval, suggère la possibilité d’une éternité.

Avec l’expression « autre existence », décisive, c’est la référence à son enfance, à son passé, qui intervient, et qui est la trace ressentie d’une identité diffractée, à la fois soi et pas soi, comme veut le faire dire le derniers vers où coexistent deux temporalités : « j’ai déjà vue », au passé, précédant « je me souviens », au présent.

Conclusion

La musique, ce n’est rien d’autre, pour Nerval, que l’assurance de revivre le passé dans le présent, ce premier étant toujours supérieur, dans l’entreprise intérieure, à son vécu, parce qu’il fait coïncider tous les ressentis, toutes les vies qui se sont succédées à l’intérieur même d’une existence, et celles même qui ne sont pas à nous.

La musique et sa retranscription poétique - c’est-à-dire, en tant que sentiment, lui-même musical - semblent être pour lui un moyen d’étancher sa soif mélancolique de l’idéal.

Ouverture

On pourra rechercher le même espoir d'immortalité de Nerval dans sa nouvelle Aurélia.

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Nathan

Ancien étudiant de classe préparatoire b/l (que je recommande à tous les élèves avides de savoir, qui nous lisent ici) et passionné par la littérature, me voilà maintenant auto-entrepreneur pour mêler des activités professionnelles concrètes au sein du monde de l'entreprise, et étudiant en Master de Littératures Comparées pour garder les pieds dans le rêve des mots.