Le texte : Discours sur le colonialisme (1959), Aimé Césaire

Mais parlons des colonisés. (…)

Sécurité ? Culture ? Juridisme ? En attendant, je regarde et je vois, partout où il y a, face à face, colonisateurs et colonisés, la force, la brutalité, la cruauté, le sadisme, le heurt et, en parodie de la formation culturelle, la fabrication hâtive de quelques milliers de fonctionnaires subalternes, de boys, d’artisans, d’employés de commerce et d’interprètes nécessaires à la bonne marche des affaires.

J’ai parlé de contact.

Entre colonisateur et colonisé, il n’y a de place que pour la corvée, l’intimidation, la pression, la police, l’impôt, le vol, le viol, les cultures obligatoires, le mépris, la méfiance, la morgue, la suffisance, la muflerie, des élites décérébrées, des masses avilies.

Aucun contact humain, mais des rapports de domination et de soumission qui transforment l’homme colonisateur en pion, en adjudant, en garde-chiourme, en chicote et l’homme indigène en instrument de production.

À mon tour de poser une équation : colonisation = chosification.

J’entends la tempête. On me parle de progrès, de « réalisations », de maladies guéries, de niveaux de vie élevés au-dessus d’eux-mêmes.

Moi, je parle de sociétés vidées d’elles-mêmes, des cultures piétinées, d’institutions minées, de terres confisquées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d’extraordinaires possibilités supprimées.

On me lance à la tête des faits, des statistiques, des kilométrages de routes, de canaux, de chemins de fer.

Moi, je parle de milliers d’hommes sacrifiés au Congo-Océan. Je parle de ceux qui, à l’heure où j’écris, sont en train de creuser à la main le port d’Abidjan. Je parle de millions d’hommes arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la vie, à la danse, à la sagesse.

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C'est parti

Commentaire Discours sur le colonialisme

Introduction

Avant tout poète, Aimé Césaire s’est engagé jusqu’à la fin de sa vie (2008) en politique. Né en Martinique en 1913, ayant étudié en France, il est, avec Léopold Sédar Senghor, le théoricien du concept de « négritude » qui cherche à promouvoir la culture noire, alors sous-estimée. Mais Discours sur le colonialisme, écrit en 1950, est un véritable pamphlet : c’est un des premiers textes où le poète met son art au service de la cause civile et populaire.

Problématique

Nous nous demanderons donc comment le poète fait œuvre politique.

Plan

Pour le comprendre, nous étudierons dans un premier temps la construction et la contenance de ce pamphlet politique, pour ensuite mieux cerner la dimension poétique de ce langage engagé.

Un pamphlet politique
Un témoignage virulent

Le poète parle en son nom, comme témoin, et avec force.
il utilise le pronom personnel « je » : « j’ai parlé », « j’entends », « moi je parle » : il se pose à la fois comme parti pris et comme témoin.
cela est possible parce qu’il est Martiniquais et qu’il fait partie de ceux qui ont subi la colonisation, mais aussi parce qu’il parle la langue des colonisateurs (les Français) ;
mais il parle aussi pour l’ensemble des peuples colonisés en Afrique, en Amérique, en Asie : il fait une généralité. « Moi, je parle de milliers d’hommes sacrifiés au Congo-Océan. Je parle de ceux qui, à l’heure où j’écris, sont en train de creuser à la main le port d’Abidjan. Je parle de millions d’hommes arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la vie, à la danse, à la sagesse. »

Ce pamphlet s’inscrit dans un contexte mondial précis : l’époque de la décolonisation.

Une dénonciation de condition du colonisé

Ce texte a pour objectif de dénoncer la soumission physique et morale du colonisé.
c’est l’argument principale : la colonisation est une oppression et une déshumanisation. Après la violence, Aimé Césaire résume cela dans une formule choc : « À mon tour de poser une équation : colonisation = chosification. »
il y a la simplification formelle de l’équation ;
c’est invoquer la logique mathématiques, irréfutable et convaincante (d’autant plus qu’il y a une ressemble entre les deux termes, et presque une paronomase) :
il utilise des arguments : « Sécurité ? Culture ? Juridisme ? » qu’il réfute :
à la « sécurité » fait écho « la brutalité, la cruauté, le sadisme, le heurt » ;
à la « culture », une « parodie de la formation culturelle » ;
au « juridisme », « la fabrication hâtive de quelques milliers de fonctionnaires subalternes, de boys, d’artisans, d’employés de commerce et d’interprètes nécessaires à la bonne marche des affaires. »

Césaire réfute les arguments des colonisateurs (notamment dans les années 50).

La déshumanisation du colonisateur

Mais le colonisateur est aussi touché par la déshumanisation.
c’est une idée forte qu’il faut souligner : le système colonial soumet le colonisé, mais aussi le colonisateur.
il y a retournement, ou plus élargissement de l’argument principal : le système colonial oppresse les colonisés, mais aussi les colonisateurs ! « des rapports de domination et de soumission qui transforment l’homme colonisateur en pion, en adjudant, en garde-chiourme, en chicote »

Le système colonial est mauvais pour tout le monde, il sert la machine et fait des hommes des rouages.

[transition]

La violence – et l’efficacité – du pamphlet en font un chef d’œuvre du genre. Mais cette efficacité, cet élan, cette force viennent non seulement des arguments employés, mais aussi – et surtout peut-être – de la valeur poétique du pamphlet.

L’écriture poétique
Un pamphlet poétique

L’auteur, en tant que poète, privilégie la persuasion.
L’argumentation fonctionne selon deux modes : la conviction (par la raison) et la persuasion (par les sentiments). Nous avons vu que les arguments du poète étaient solides, mais il préfère toucher le cœur.
Anaphores : « moi je » ;
énumérations : « la force, la brutalité, la cruauté, le sadisme, le heurt », « en pion, en adjudant, en garde-chiourme, en chicote », etc ;
questions rhétoriques : « Sécurité ? Culture ? Juridisme ? » ;
paronomases (vol=viol), paragraphes sont courts → ressemblent à des strophes (à des stances)

Une poésie qui renoue avec l’oralité

Cette écriture poétique se rapporte à l’oralité.
Césaire met en avant la tradition africaine de l’oralité, mais c’est aussi le discours politique du tribun, du parlementaire (qu’il sera) ;
questions rhétoriques, accumulations, etc ;
jeux d’alternance entre phrases courtes et percutantes, et phrases longues et lyriques (« j’ai parlé de contact. » comparé au paragraphe suivant).
nous avons des strophes qui s’apparente à des stances : nous sommes dans la poésie.

Contre le silence des Européens (l’écriture, l’invasion), il y a la musicalité africaine (oral, révolte).

Le concept de la négritude

Contre la colonisation, l’auteur prône la négritude.
La négritude est le concept majeur dans le processus de libération des populations noires ou colonisées. La négritude réunit toute la culture noire, longtemps considérée comme inférieure par rapport à l’Occident (et malheureusement encore aujourd’hui souvent déconsidérée).

Concept de négritude : apparaît en 1933, Césaire et Senghor → montrer la grandeur et la fierté de la civilisation noire.

« Moi, je parle de sociétés vidées d’elles-mêmes, des cultures piétinées, d’institutions minées, de terres confisquées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d’extraordinaires possibilités supprimées. » + « Je parle de millions d’hommes arrachés à leurs dieux, à leur terre, à leurs habitudes, à leur vie, à la vie, à la danse, à la sagesse. » → c’est la culture des pays africains.

Conclusion

Aimé Césaire réunit poésie et politique dans un pamphlet qui reste d’une incroyable (et triste) actualité. La force polémique du poète-député passe par la conviction (arguments), mais surtout la persuasion (sentiments, poésie). Il met en avant les qualités de la culture africaine pour réfuter les idées européennes : la culture d’Afrique est l’égale de la culture européenne. L’Afrique fait autant partie de l’Histoire que l’Europe…

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Clément

Freelancer et pilote, j'espère atteindre la sagesse en partageant le savoir que j'ai acquis lors de mes voyages au volant de ma berline. Curieux scientifique, ma soif de découverte n'a d'égale que la durée de demie-vie du bismuth 209.