Les meilleurs professeurs de Préparation bac scientifique disponibles
Anis
4.9
4.9 (95 avis)
Anis
90€
/h
Gift icon
1er cours offert !
Moujib
5
5 (113 avis)
Moujib
100€
/h
Gift icon
1er cours offert !
Antoine
4.9
4.9 (140 avis)
Antoine
60€
/h
Gift icon
1er cours offert !
Sébastien
5
5 (94 avis)
Sébastien
75€
/h
Gift icon
1er cours offert !
Abdel
4.9
4.9 (120 avis)
Abdel
30€
/h
Gift icon
1er cours offert !
Pierre-thomas
5
5 (75 avis)
Pierre-thomas
80€
/h
Gift icon
1er cours offert !
Thibault
4.9
4.9 (101 avis)
Thibault
45€
/h
Gift icon
1er cours offert !
Florent
5
5 (190 avis)
Florent
100€
/h
Gift icon
1er cours offert !
Anis
4.9
4.9 (95 avis)
Anis
90€
/h
Gift icon
1er cours offert !
Moujib
5
5 (113 avis)
Moujib
100€
/h
Gift icon
1er cours offert !
Antoine
4.9
4.9 (140 avis)
Antoine
60€
/h
Gift icon
1er cours offert !
Sébastien
5
5 (94 avis)
Sébastien
75€
/h
Gift icon
1er cours offert !
Abdel
4.9
4.9 (120 avis)
Abdel
30€
/h
Gift icon
1er cours offert !
Pierre-thomas
5
5 (75 avis)
Pierre-thomas
80€
/h
Gift icon
1er cours offert !
Thibault
4.9
4.9 (101 avis)
Thibault
45€
/h
Gift icon
1er cours offert !
Florent
5
5 (190 avis)
Florent
100€
/h
Gift icon
1er cours offert !
C'est parti

L'extrait commenté

Emma Bovary qui a rêvé toute sa vie d’aventure et de grands sentiments et qui se morfond avec son mari, Charles Bovary, « aussi plat qu’un trottoir », est enfin invitée à un bal, par le marquis d’Andervilliers, au château de Vaubeyssard…

Quelques hommes (une quinzaine) de vingt-cinq à quarante ans, disséminés parmi les danseurs ou causant à l’entrée des portes, se distinguaient de la foule par un air de famille, quelles que fussent leurs différences d’âge, de toilette ou de figure.

Leurs habits, mieux faits, semblaient d’un drap plus souple, et leurs cheveux, ramenés en boucles vers les tempes, lustrés par des pommades plus fines. Ils avaient le teint de la richesse, ce teint blanc que rehaussent la pâleur des porcelaines, les moires (1) du satin, le vernis des beaux meubles, et qu’entretient dans sa santé un régime discret de nourritures exquises. Leur cou tournait à l’aise sur des cravates basses ; leurs favoris (2) longs tombaient sur des cols rabattus ; ils s’essuyaient les lèvres à des mouchoirs brodés d’un large chiffre (3), d’où sortait une odeur suave. Ceux qui commençaient à vieillir avaient l’air jeune, tandis que quelque chose de mûr s’étendait sur le visage des jeunes. Dans leurs regards indifférents flottait la quiétude de passions journellement (4) assouvies ; et, à travers leurs manières douces, perçait cette brutalité particulière que communique la domination de choses à demi faciles, dans lesquelles la force s’exerce et où la vanité s’amuse, le maniement des chevaux de race et la société des femmes perdues.

À trois pas d’Emma, un cavalier en habit bleu causait Italie avec une jeune femme pâle, portant une parure de perles. Ils vantaient la grosseur des piliers de Saint-Pierre, Tivoli, le Vésuve, Castellamare et les Cassines, les roses de Gênes, le Colisée au clair de lune. Emma écoutait de son autre oreille une conversation pleine de mots qu’elle ne comprenait pas. On entourait un tout jeune homme qui avait battu, la semaine d’avant, Miss-Arabelle et Romulus, et gagné deux mille louis à sauter un fossé, en Angleterre. L’un se plaignait de ses coureurs qui engraissaient ; un autre, des fautes d’impression qui avaient dénaturé le nom de son cheval.

L’air du bal était lourd ; les lampes pâlissaient. On refluait dans la salle de billard. Un domestique monta sur une chaise et cassa deux vitres ; au bruit des éclats de verre, madame Bovary tourna la tête et aperçut dans le jardin, contre les carreaux, des faces de paysans qui regardaient. Alors le souvenir des Bertaux lui arriva. Elle revit la ferme, la mare bourbeuse, son père en blouse sous les pommiers, et elle se revit elle-même, comme autrefois, écrémant avec son doigt les terrines de lait dans la laiterie. Mais, aux fulgurations de l’heure présente, sa vie passée, si nette jusqu’alors, s’évanouissait tout entière, et elle doutait presque de l’avoir vécue. Elle était là ; puis autour du bal, il n’y avait plus que de l’ombre, étalée sur tout le reste. Elle mangeait alors une glace au marasquin (5), qu’elle tenait de la main gauche dans une coquille de vermeil, et fermait à demi les yeux, la cuiller entre les dents.

Madame Bovary, Gustave Flaubert, 1857, Première partie, Chapitre VIII

LEXIQUE

  1. Les moires (du satin) : étoffe aux reflets changeants.
  2. Favoris : ligne de barbe qu’on laisse pousser à partir des tempes de chaque coté du visage.
  3. Un chiffre : des initiales.
  4. Journellement : tous les jours.
  5. Marasquin : liqueur à la cerise.

Comment trouver du soutien scolaire en ligne ?

Méthode du commentaire composé

On rappellera ici la méthode du commentaire composé vu en cours francais :

Partie du commentaireViséeInformations indispensablesÉcueils à éviter
Introduction- Présenter et situer le texte dans le roman
- Présenter le projet de lecture (= annonce de la problématique)
- Présenter le plan (généralement, deux axes)
- Renseignements brefs sur l'auteur
- Localisation du passage dans l'œuvre (début ? Milieu ? Fin ?)
- Problématique (En quoi… ? Dans quelle mesure… ?)
- Les axes de réflexions
- Ne pas problématiser
- Utiliser des formules trop lourdes pour la présentation de l'auteur
Développement - Expliquer le texte le plus exhaustivement possible
- Argumenter pour justifier ses interprétations (le commentaire composé est un texte argumentatif)
- Etude de la forme (champs lexicaux, figures de styles, etc.)
- Etude du fond (ne jamais perdre de vue le fond)
- Les transitions entre chaque idée/partie
- Construire le plan sur l'opposition fond/forme : chacune des parties doit impérativement contenir des deux
- Suivre le déroulement du texte, raconter l'histoire, paraphraser
- Ne pas commenter les citations utilisées
Conclusion- Dresser le bilan
- Exprimer clairement ses conclusions
- Elargir ses réflexions par une ouverture (lien avec une autre œuvre ? Événement historique ? etc.)
- Les conclusions de l'argumentation- Répéter simplement ce qui a précédé

Ici, nous détaillerons par l'italique les différents moments du développement, mais ils ne sont normalement pas à signaler. De même, il ne doit normalement pas figurer de tableaux dans votre commentaire composé. Les listes à puces sont également à éviter, tout spécialement pour l'annonce du plan.

En outre, votre commentaire ne doit pas être aussi long que celui ici, qui a pour objectif d'être exhaustif. Vous n'aurez jamais le temps d'écrire autant !

Le commentaire

Introduction

L’histoire tragique d’Emma Bovary, née Rouault, inspirée à Gustave Flaubert (1821-1880) par un fait réel, est une histoire universelle, celle du rêve de jeunesse qui se brise sur l’ennui de l’âge adulte.

Passionnée par la lecture des romans, passionnée par nature, Emma épouse, afin de quitter son milieu paysan, un jeune médecin dont la carrière semble prometteuse, mais qui s’avérera d’une médiocrité désespérante. Ainsi, pour tromper son ennui, elle trompera son mari, puis ne voyant plus aucune possibilité de s’échapper, il finira par fuir définitivement, en ingurgitant de l’arsenic.

L'extrait étudié en cours de soutien scolaire nous montre un bal longtemps rêvé et désiré par Emma. Le marquis d’Andervilliers l'y a invitée, elle et son mari, au château de la Vaubeyssard, pour remercier Charles de ses services. Attendue depuis toujours, il se révèle cependant décevant et joue un rôle déterminant dans le processus de désillusion qui mène Emma au suicide.

Annonce de la problématique

Alors, en quoi cette scène de bal est-elle une désillusion aux conséquences tragiques ?

Annonce des axes

Pour le comprendre, nous étudierons en soutien scolaire dans une première partie la description du bal, ce qui nous permettra dans une seconde partie de nous intéresser à la critique flaubertienne.

Qui est l'auteur de Madame Bovary ?
Gustave Flaubert, par Giraud (1856)

Développement

Un bal fastueux

Le lecteur entre, comme Emma, d'abord dans un monde merveilleux de luxe qui correspond a priori aux attentes de notre héroïne, en parfaite correspondance avec ses rêves romanesques.

Le luxe et le rêve

C’est sur le luxe que se concentre la description, tout à la fois celui des objets et des personnes. Ainsi, les « quelques hommes » qui « se distinguaient de la foule » présentent toutes les marques habituelles de la richesse :

  • des habits « mieux faits », « plus souples »,
  • des cheveux « lustrés par des pommades plus fines »
  • le « teint de la richesse »

L’usage répété de l’adverbe « plus » esquisse un univers hyperbolique où tout est exagéré. Les matières évoquées sont précieusesporcelaine », « satin », « mouchoirs brodés »), ainsi que la nourriture : « Elle mangeait alors une glace au marasquin, qu’elle tenait de la main gauche dans une coquille de vermeil ». La glace, évidemment, à cette époque, est un produit de luxe, et la « coquille de vermeil » un objet rare.

On peut remarquer, en soutien scolaire, par ailleurs la place importante de la nourriture dans ce texte, utilisé comme une marque de richesse : le narrateur précise même que les hommes riches du début du texte ont « un régime discret de nourritures exquises ».

Enfin, comme il fait trop chaud, et que « l’air du bal [est] lourd », « un domestique monta sur une chaise et cassa deux vitres » : c'est là le summum d’une richesse qui se caractérise par le gaspillage - on casse plutôt que d'ouvrir !

Cette richesse est d'autant plus débordante qu'elle s’oppose à la pauvreté de l’enfance d’Emma : les « nourritures exquises » et la « glace au marasquin » contrastent avec « les terrines de lait » qui reviennent alors à la mémoire de la jeune femme.

Enfin, les sujets des conversations tournent autour de voyages lointains (« Italie », « Saint-Pierre », c’est-à-dire Rome, « Tivoli, le Vésuve, Castellamare et les Cassines », « Gênes ») et d’activités réservées à l’élite : l’équitation. Voyages, richesse, luxe, Emma se confronte à la réalité de son rêve

Quel genre de personnage est Emma Bovary ?
Intérieur, femme lisant, Gistave Caillebote (1880)
Un monde de sensations

Dans cet univers magique, nous voyons que la primauté est donnée aux sensations, contre la raison. C’est un des passages qui nous permet à la fois de mieux comprendre le personnage d’Emma Bovary mais aussi de nous attacher, de nous identifier à elle.

En effet, ce ne sont pas des idées (toujours sujettes aux débats), mais des sensations qui sont décrites par Flaubert : nous pénétrons la sensibilité profonde du personnage. Nous sommes perdus avec elle dans ce monde merveilleux.

Comme de juste, les sens sont très présents, avec les champs lexicaux y afférents :

  • la vue : « distinguaient », « semblaient », « regards », « aperçut », etc.
  • l’ouïe : « Emma écoutait », «bruit », « causaient », etc.
  • le goût : « lait de la laiterie », « glace au marasquin », etc.

Flaubert nous offre ainsi, par l'entremise d'Emma, un monde indéterminé, où rien n’est précis, rien n’est rationnel.

Vous verrez en soutien scolaire, que les groupes se dessinent eux-mêmes de manière grossière :

« Quelques hommes (une quinzaine) de vingt-cinq à quarante ans, disséminés parmi les danseurs ou causant à l’entrée des portes, se distinguaient de la foule par un air de famille, quelles que fussent leurs différences d’âge, de toilette ou de figure. »

Il y a « quelques hommes » et une « foule ». Les invités, hommes et femmes, n’ont pas de physionomies propres : ils sont décrits selon leurs attributs (habits et manières), leur physique se limite à « un air de famille ». Ils sont désignés par le pronom impersonnel « on » : « On entourait un tout jeune homme… » ; « L’un se plaignait de… ; un autre, de… ».

Les stimuli sensoriels sont si nombreux et puissants que Madame Bovary s’y perd, et ne parvient pas à s’inscrire dans la réalité du bal, dans son déroulement.

Un « topos » romanesque

Enfin, il faut rappeler que la « scène du bal » est un topos de la littérature, c’est-à-dire un lieu commun, un épisode qui revient de manière traditionnelle dans le roman.

Qu’il nous suffise d’évoquer le grand classique de Madame de La Fayette (que n’a pas manqué de lire Emma) La Princesse de Clèves où la scène du bal est le cadre de la rencontre entre l’héroïne et le duc de Nemours. Le bal est un moment de fête, qui est synonyme dans l’imaginaire d’Emma de passion et d’aventure amoureuse.

Mais dans la réalité qu'elle vit, le bal s’oppose dans le texte aux « paysans » qui regardent par les fenêtres le bal, sans y participer. Monde paysan dont est issu Emma… Le bal n’est pas ici l’occasion d’une rencontre merveilleuse puisque Emma n’appartient pas au même monde - à tel point qu’elle ne comprend pas ce que les gens se racontent :

« Emma écoutait de son autre oreille une conversation pleine de mots qu’elle ne comprenait pas. »

Elle est à la fois intruse et passive. Flaubert actualise donc ce topos romanesque, le renouvelle, s’en joue, et en fait le lieu d’un isolement de son héroïne : elle rêve, elle mange, elle se souvient, mais elle ne participe pas au grand rêve.

Besoin de soutien scolaire en français ?

Quel est le dénouement de Madame Bovary ?
Peinture d'Albert Fourié, 1883

Transition

Monde du luxe, de la richesse, du divertissement, la scène du bal est à la fois une découverte pour Emma et un topos littéraire pour le lecteur. C’est par là que le doute vient s’insinuer sur la véritable valeur de cette description.

La critique flaubertienne

Un monde factice et malade

Il ne faut pas prendre cette description au premier degré ; il s'agit plutôt de l’interpréter : ce monde de rêve est un monde essentiellement factice.

Ce qui faisait rêver Emma Bovary s’avère être un monde vide, fade et superflu, ce dont elle a plus ou moins vaguement conscience. C’est ce que révèlent le deuxième paragraphe et la description des invités. Ce ne sont pas les qualités propres des invités qui sont ici décrites (physionomies, pensées, réflexions, caractères), mais des attributs secondaires : les objets, les matières, comme nous l’avons cité.

Il y a une même une automatisation de l'individu : « leur cou tournait à l’aise ». Ce monde est factice parce que les gens qui le peuples le sont : ils n’ont pas d’âge précisde vingt-cinq à quarante ans », « ceux qui commençaient à vieillir avaient l’air jeune, tandis que quelque chose de mûr s’étendait sur le visage des jeunes »), et par cette attention portée seulement aux matières et objets, ils sont déshumanisés.

En outre, c’est la maladie qui règne sur ces êtres, comme le prouve cette pâleur fantomatique qui revient dans toute le texte : « Ils avaient le teint de la richesse, ce teint blanc que rehaussent la pâleur des porcelaines », « une jeune femme pâle ». Même le décor est contaminé par cette maladie : « les lampes pâlissaient ».

Le symbole de ce trompe-l’œil généralisé est le bris de vitres à la fin de notre passage. Le verre, comme la fenêtre (et même, si on pense à Lewis Carroll et Alice au pays des merveilles, le « miroir », et ne sommes-nous pas dans un monde de « miroir aux alouettes »?), sont les symboles de la frontière, de l’irréel.

C’est ainsi quand on brise la vitre que Emma retrouve ses origines, sa famille, d’où elle vient, la matière épaisse du lait et de la crème… Ces « éclats de verre » invitent le lecteur lui-même à traverser le texte pour en comprendre le sens véritable (ce que Rabelais appelait déjà « la substantifique moelle »).

En quête de cours de soutien scolaire ?

L’ironie

Mais ce qui permet surtout de faire sentir cette superficialité du bal et de ses invités, c’est l’ironie. Cette tonalité ironique traverse tout le texte (comme il traverse tout le roman), mais nous pouvons relever quelques passages révélateurs.

D’abord, au début du texte, quand le narrateur relève « l’air de famille » des hommes « disséminés parmi les danseurs ou causant à l’entrée des portes ». Cette première remarque souligne à la fois l’entre-soi du monde aristocratique, mais aussi les ressemblances exagérées entre les membres du même famille, dues aux mariages consanguins (encore le thème de la maladie à travers la dégénérescence).

Ensuite, dans le deuxième paragraphe, la description des mœurs des aristocrates est particulièrement critique :

« Ceux qui commençaient à vieillir avaient l’air jeune, tandis que quelque chose de mûr s’étendait sur le visage des jeunes. Dans leurs regards indifférents flottait la quiétude de passions journellement assouvies ; et, à travers leurs manières douces, perçait cette brutalité particulière que communique la domination de choses à demi faciles, dans lesquelles la force s’exerce et où la vanité s’amuse, le maniement des chevaux de race et la société des femmes perdues. »

Ils sont blasés, ils sont hypocrites et cela est soulignée par l’antithèse entre « leurs manières douces » et « cette brutalité particulière que communique la domination ». Ils sont aussi « vains ».

Enfin, et c’est peut-être le passage à la fois le plus ironique et le plus drôle, il y a les conversation rapportées du troisième paragraphe. En effet, ces conversations ne sont qu’une accumulation de clichés vides de sens ou d’intérêt : ce que ce « cavalier en habit bleu » et cette « jeune femme pâle » admirent en Italie, c’est la « grosseur » des piliers…

Puis, nous avons une série d’autres clichés tout aussi vides : « Tivoli, le Vésuve, Castellamere et les Cassines, les roses de Gênes, le Colisée au clair de lune ». Les « roses » et le « clair de lune » qui font rêver les jeunes gens… L’évocation des courses de chevaux est une critique également acerbe : « un tout jeune qui (…) avait gagné deux mille louis à sauter un fossé » : le sport hippique est réduit à « sauter un fossé ».

Derrière une description a priori positive, se dissimule donc des remarques désapprobatrices.

Que raconte Madame Bovary de Flaubert ?
Illustration d'Albert Fourié pour le livre Madame Bovary de Flaubert
Une régression symptomatique

La finesse flaubertienne vient se concentrer sur cet événement tout à fait particulier, et pourtant à première vue anodin, de la réminiscence, qui est une forme de régression enfantine (et que l'on peut définir, selon le CNRTL, par : Retour à la conscience d'une image, d'une impression si faibles ou si effacées qu'à peine est-il possible d'en reconnaître les traces) :

« Alors le souvenir des Bertaux lui arriva. Elle revit la ferme, la mare bourbeuse, son père en blouse sous les pommiers, et elle se revit elle-même, comme autrefois, écrémant avec son doigt les terrines de lait dans la laiterie. »

Outre le style indirect libre qui permet une liberté de propos (nous sommes à la fois dans les pensées d’Emma – qui sont, pour l’époque, indécentes et qui vaudront à Flaubert un procès – et dans celles du narrateur), nous avons ces « fulgurations » de la réminiscence, qui est déjà une préfiguration des mises en lumière de l’inconscience.

Ce surgissement du passé est déclenché par les bris de verre : « au bruit des éclats de verre, madame Bovary tourna la tête et aperçut dans le jardin, contre les carreaux, des faces de paysans qui regardaient. » Le rythme de la narration s’accélère : on passe de l’imparfait au passé simple : « des faces de paysans qui regardaient. Alors le souvenir des Berteaux lui arriva. » L’adverbe « alors » marque bien une rupture qui est celle d’un choc.

La phrase du souvenir est à la fois marquée par des sonorités enfantines (une allitération en [m] significative : « ferme », « mare », « pommiers », « elle-même, comme autrefois, écrémant ») qui évoquent aussi le souvenir – absent – de la mère (la « mare ») par rapport au père, et par les matières enfantines, premières, presque fécales, qui sont évoquées : « écrémant avec son doigt les terrines de lait dans la laiterie ».

Le contraste est fort et plonge Emma dans une attitude contemplative, passive : ce n’est plus la lumière qui domine, mais l’ombreil n’y avait plus que de l’ombre, étalée sur tout le reste »), et le dernier geste hésite entre la pâmoison de plaisir et une forme d’agonie qui préfigure celle du drame final : elle « fermait à demi les yeux, la cuiller entre les dents ».

Le rêve d’Emma se brise contre la banalité du réel, contre la réalité de sa vie passée et présente.

Conclusion

Ce passage qui apparaît d’abord comme une joyeuse scène de bal est en fait le prétexte pour Flaubert de critiquer de manière acerbe le monde de l’aristocratie, comme il critique par ailleurs la bourgeoisie, et même la paysannerie. Rien n’échappe à son ironie.

Mais, c’est dans l’évolution du personnage d’Emma, un passage clef : une désillusion quant à l'un de ses plus grands rêves. Avec subtilité, Flaubert laisse percevoir cette discordance irrémédiable entre Emma et le monde dans lequel elle vit : c’est l'un des épisodes qui la conduiront jusqu’à l’issue fatale…

Vous avez aimé cet article ? Notez-le !

Aucune information ? Sérieusement ?Ok, nous tacherons de faire mieux pour le prochainLa moyenne, ouf ! Pas mieux ?Merci. Posez vos questions dans les commentaires.Un plaisir de vous aider ! :) 4.47 (19 note(s))
Loading...

Nathan

Ancien étudiant de classe préparatoire b/l (que je recommande à tous les élèves avides de savoir, qui nous lisent ici) et passionné par la littérature, me voilà maintenant auto-entrepreneur pour mêler des activités professionnelles concrètes au sein du monde de l'entreprise, et étudiant en Master de Littératures Comparées pour garder les pieds dans le rêve des mots.